Le Désert de Platé

Au moment où j’écris ces lignes, la situation a déjà bien évoluée, mais ce vendredi 23 octobre nous sommes encore libres de bouger. Enfin pas tout à fait, le couvre-feu vient d’être instauré, c’est une bonne excuse pour aller s’isoler en nature. Après la grosse semaine de travail que nous avons passé, nous nous laisser le vendredi soir pour nous reposer, et partirons le lendemain matin. Enfin matin… Finalement nous seront à 12h30 au départ (après 1h30 de route et quelques emplettes).

Direction le massif du Giffre, pour découvrir le Désert de Platé. Nous avons prévu une bonne boucle : 20km / 2000m D+ / 900m D- le premier jour et 23km / 1100m D+ / 2200 D- le lendemain. Nous sommes 3 au départ, Manon, moi et… Malga ! Notre camarade à 4 pattes étant en vacances à Annecy, nous l’emmenons à la découverte de nos activités.


Le trajet en voiture donne le ton de la journée ; de magnifiques couleurs d’automnes éclatantes au soleil, masquées par intermittencxe derrière une brume persistante. Nous laissons la voiture au parking du bas ; nous sommes les seuls garés là. On démarre vers 765m d’altitude par 100m D+ d’une petite route goudronnée menant à un petit hameau, puis on trouve un sentier bien marqué. Nous montons dans la forêt chatoyante le long d’un torrent pendant un bon moment. Nous retrouvons ensuite une piste de ski qui doit appartenir à la station du Grand Massif (Flaine). Je ne savais pas que le domaine allait aussi loin ! Vérification faite, il s’agit d’une piste permettant de rejoindre Sixt depuis le haut du domaine ; mais pas d’y monter car pas de remontée. Tant mieux, ce n’est jamais très agréable de randonner sous les pylônes.


On y croise également de belles cascades, au pied desquels Malga va jouer dans l’eau ; nous ne la rejoignons pas, l’eau n’est pas chaude ! A 1500m d’altitude, nous arrivons à la fin de la forêt et voyons au loin nos premiers objectifs du jour, encore bien loin. Et bien blanc. On a bien fait de prendre les guêtres apparemment. Le chemin se poursuit au fond de vallée, avec une faible pente ; nous avançons bien. Quelques logements se dressent sur notre route, il s’agit des Chalets de Gers (et du refuge du même nom) ; certainement des logements de berger. Nous passons devant les chalets et découvrons un petit coin de paradis, un lac logé au creux des montagnes enneigées.


Nous profitons quelques instants de l’endroit, mais ne tardons pas, la route est encore longue. Passé le lac, la pente devient importante et nous prenons rapidement de l’altitude. Le chemin passe en face Nord-Est, et nous trouvons la neige dès 2000m d’altitude. Même si la couche n’est pas très épaisse (10 – 20 cm), nos petites chaussures de trail, non adaptées, sont rapidement mouillées ; les guêtres n’y font rien. Nous sommes à l’ombre, il ne fait pas chaud. Des coulées datant des premières chutes de neige de septembre nous barrent la route et on s’enfonce bien plus au milieu d’anciens blocs compacts désormais faits de neige molle. Malga, malgré sa petite taille, a l’air plutôt à l’aise dans ces conditions et s’amuse même régulièrement à se rouler dans la neige. On parvient finalement au pied de la Tête Pelouse, qui se dresse fièrement devant nous. Nous sommes à environ 2260m ; sur la crête, le chemin est sec, ça fait du bien, d’autant plus que l’on retrouve le soleil.


La vue est belle, il est environ 16h30, nous prenons le temps de manger tranquillement, Manon et moi nos sandwich et Malga ses croquettes. Le chemin jusqu’au lieu de bivouac prévu est encore long mais le soleil se couche dans environ 2h aussi nous prenons la décision de poser la tente plus tôt, dès que l’on trouvera un spot. C’était prévisible en partant si tard, mais ce n’est pas grave, on est flexible avec la tente. Nous repartons 30 minutes plus tard, rassasié, en direction du point culminant de notre voyage, Les Grandes Platières (2480m). Nous sommes désormais juste au-dessus de la station de Flaine, aussi le sentier devient un chemin de 4×4, qui, bien qu’enneigé (environ 10cm) est facilement praticable, d’autant plus que nous marchons sur la trace d’un véhicule passé plus tôt. On apprécie de ne pas remettre les pieds dans le congélo.


Arrivé au sommet, l’ambiance n’est pas des plus sauvage : il s’agit de l’arrivée d’une télécabine de Flaine ; mais la vue sur la chaine du Haut Giffre et du Mont Blanc est superbe, on en prend plein la vue. Nous sommes en plein milieu d’un champ de lapiaz recouvert par la neige, qui bien que magnifique ne facilite pas la pose de la tente… d’autant plus que notre modèle n’est pas auto portant, ce qui signifie qu’il faut solidement ancrer les sardines pour que l’ensemble tienne ; ce n’est pas gagné sur les rochers.


Aussi, lorsque nous trouvons une sorte de terrain de pétanque (ce n’est surement pas un terrain de pétanque mais ça y ressemblait) juste au pied du télécabine (fermé évidemment à cette saison), nous n’hésitons pas plus et y posons la tente. Il y a entre 5 et 10cm de neige dure sur du gravier fin, ça fera bien l’affaire. Je monte la tente sous le soleil couchant pendant que Manon s’occupe de Malga, puis nous nous faisons chauffer un bon thé et une portion de pates-bolo lyophilisé ; la température chutant rapidement. Verdict : la préparation bolo de Décathlon n’est pas si mal, ça nous fait du bien. Et tout cela préparé grâce au jet-boil que j’ai reçu à mon anniversaire, un réchaud compact et léger qui permet de faire bouillir de l’eau (dans notre cas de la neige) ultra rapidement #InstantPub. Finalement, nous auront fait 13km, 1750m D+ et 50m D-. C’est moins que prévu, mais les conditions difficiles, les gros sacs à dos et l’heure de départ tardive ne nous auront pas facilité la tâche.


Le soleil est couché, la nuit tombe, nous nous réfugions rapidement sous la tente pour manger. On met des chaussettes à Malga pour qu’elle ait chaud et qu’elle ne puisse pas abimer nos affaires avec ses griffes et on s’emmitoufle dans nos gros duvets. On mange le dessert (muffin et crêpes, la nourriture c’est la vie) puis on ne tarde pas trop pour se coucher, fatigué de la journée. Finalement on respectera le couvre-feu de 21h ; à 20h30 il n’y a plus de bruit dans la tente. J’ai laissé mon thermomètre à l’extérieur, il annonce -2°C ; mais nous sommes au chaud dans nos duvets, donnés pour -9°C.  Malga dort d’abord sur nos sacs, à côté de nous, puis sur Manon, puis Manon l’a emmitouflé dans nos doudounes et coincée entre nous deux durant la nuit car elle tremblait.


On dort rarement comme une marmotte lors d’un bivouac, cette nuit là ne fera pas exception. On entre dans une sorte d’état comateux ou on dort à moitié en faisant des rêves étranges, entrecoupé de nombreux réveils. Le temps s’étire ; quand on a l’impression que le réveil va bientôt sonner il n’est même pas encore minuit. Bon c’est vrai que parfois quand il est minuit c’est effectivement que le réveil ne va pas tarder à sonner, mais comme on ne part pas dans une grosse course d’alpinisme le lendemain, on a le temps.

Vers 23h on est réveillé par le vent qui commence à souffler. Ce n’était pas annoncé par la météo, ça devrait passer. Apparemment non, il souffle de plus en plus fort ! La toile de tente se courbe sous son effet ; il s’engouffre sous elle et l’agite tel un drapeau qui nous claque dans les oreilles. Je regarde aux quatre coins, les sardines ont l’air de bien tenir, ouf. Manon et Malga ne semblent pas inquiètes, je retourne à mes songes. Le vent ne faiblira pas de la nuit. C’est dur d’estimer sa force, surtout lorsque c’est basé sur le bruit que fait la tente ; mais je dirais qu’il était d’environ 50km/h, avec des rafales plus fortes. Ça parait peut-être peu, mais ça fait déjà un sacré vacarme et il vaut mieux ne rien laisser s’envoler.

Le vent en montagne à un effet abrasif sur le moral. Il inquiète, il refroidit le corps, il change notre perception des choses et peut donner une tout autre envergure à une simple entreprise. J’espère au fond de moi que les choses se calmeront au levé du soleil. Tant qu’on est au chaud dans les duvets, ça va, mais pour se lever, il faudra affronter la température négative et surtout… Remettre les pieds dans les chaussures, mouillées de la veille, qui se seront immanquablement transformés en glaçon durant la nuit. La toile de tente devient plus claire, le jour se lève, le vent ne faiblit pas pour autant. On avait prévu de partir tôt, mais nous avons décidé, sans même nous concerter, d’attendre que les rayons du soleil tapent sur la tente.

A 8h ce n’est toujours pas le cas, il doit y avoir des nuages. Bon on va devoir bouger à un moment tout de même ! Nous nous sommes couchés vers 20h30, levé 8h, avec le changement d’heure ça fait… plus de 12h de sommeil, aussi peu réparateur soit-il. Mes vêtements sont contre mon duvet, à l’extérieur ; ils sont gelés. Je les fourre à l’intérieur pour les réchauffer, puis les enfiles. On ouvre la toile de tente, nous sommes face au Mont Blanc, c’est grandiose ! Le soleil est à peine masqué derrière un voile nuageux, globalement il fait beau. Mais le vent en profite pour s’engouffrer dans la tente, on ne perd pas de temps, on enfile nos glaçons, je veux dire, chaussures, on prend nos affaires et on file se refugier dans le sas d’entré du télécabine, resté ouvert, que j’avais repéré la veille. C’est une pièce de 3x3m, en béton avec un sol en plastique dur ; c’est sommaire mais à l’abri du vent, en cet instant c’est un abri de luxe. Je retourne dehors pour ranger les affaires et plier la tente pendant que Manon fait fondre de la neige. 10 minutes plus tard, nous profitons d’un thé bien chaud et d’un petit déjeuner bien mérité.

Lorsque nous avons enlevé les chaussettes à Malga, nous avions vu qu’elle avait une patte enflée. Nous étions inquiets au début, mais la voilà qui gambade dans la neige, apparemment ça va ! Pour nos pieds, il faut attendre dans un premier temps que la glace dans les fibres de nos chaussures fonde, puis que l’eau glacée qui en découle imbibe nos chaussettes avant de se réchauffer. C’est décidé, on s’équipe la prochaine fois ! En vrai, j’en fait tout un plat, mais dans les faits c’était moins pire que craint ; la sensation de brulure n’a duré que 10 minutes.


Nous sommes censés continuer d’avancer, mais le chemin n’est désormais plus tracé et il est invisible sous la neige. Nous sommes au milieu d’un plateau de Lapiaz, qui comporte de nombreux trous, dont certains très gros et sans savoir ou l’on va, le danger de traverser un pont de neige est réel. Nous prenons la décision de rebrousser chemin sur 2km, puis de récupérer un autre chemin en contrebas qui ne devrait pas être sous la neige. Nous repartons donc sur nos traces dans la veille ; le paysage est toujours magnifique, les couleurs du matin offrent un tableau différent d’hier soir.


Après quelques temps de marche et poses photos, on arrive à l’embranchement ou l’on quitte le chemin de la veille. La neige commence à se faire plus rare, par plaques. Les couleurs changent, d’un blanc éclatant d’hiver nous passons à une dominance d’orange d’automne. J’adore ces couleurs. Nous basculons alors vers le Vallon de Sales, notre objectif du jour. Le chemin est grandiose, en balcon, il fait face à d’imposante falaises, surmontées par les Rochers des Fiz. Certainement l’un des plus beaux endroits du WE. Et en plus, nous sommes désormais au sec, c’est agréable.


Le chemin nous mène tranquillement aux Chalets de Sales, un petit hameau perdu dans la montagne. Enfin perdu… Si depuis le début du WE nous n’avons croisé que quelques personnes, nous arrivons désormais sur l’autoroute locale. Le coin est beau, facile d’accès par un bon sentier bien tracé et il fait beau, le trio gagnant. Il va falloir tenir Malga à l’œil ; mais depuis le début elle se tient bien. Cependant, on découvre qu’on se trouve désormais dans un parc national… Où les chiens sont interdits ! Ce que ne manquerons pas de nous faire remarquer plusieurs personnes. « Non Monsieur, nous n’avons pas vu le panneau en bas, nous venons d’en haut ». C’était gênant. Certes, les contours des parcs sont marqués sur la carte, mais n’ayant pas l’habitude de sortir avec un chien, je n’avais pas pensé à cet aspect en planifiant le parcours. Bon maintenant qu’on est en plein dedans, le plus pratique pour en sortir c’est de descendre comme prévu. Pour limiter la casse, on tient Malga en laisse ce qui n’est pas toujours une mince affaire. Elle a pris l’habitude de me suivre, et quand c’est Manon qui la tient, elle tire pour me rejoindre.


Le chemin de descente, dans les Gorges de Sales, est splendide. Nous sommes entourés par de grandes falaises, d’où jaillissent une multitude de cascades. Nous nous arrêtons à un endroit particulièrement joli, pour faire une petite sieste au soleil (on a beau avoir dormi 12h, on est bien fatigué). On en profite pour faire chauffer une ration lyophilisée de riz au poulet-curry, pas forcément digne d’un restaurant étoilé, mais pas mauvais non plus. Le soleil baisse rapidement au fond de la gorge, nous continuons notre descente.  Nous passons encore devant plusieurs cascades, puis nous arrivons finalement au premier parking. Sauvé, on est sorti de la réserve, on peut lâcher le fauve ! Notre parking est encore à plus de 4km, nous ne trainons pas et continuons à marcher. Nous sommes désormais en pleine forêt, aux couleurs d’automne.


Nous passons devant la cascade du Rouget, impressionnante, visible depuis la route ; de nombreuses personnes s’arrête pour l’admirer. On commence à avoir hâte d’arriver. Malga profite de la moindre flaque d’eau pour se tremper, puis va se frotter dans l’herbe tel un saucisson, se laissant trainer en se hissant avec ses pattes avant. Elle aime l’eau dans toutes ses formes, dès qu’elle voit de la neige ou un cours d’eau elle gambade dedans. Et elle aime aussi se frotter, c’était très drôle de la voir nous suivre sur la neige en se trainant par ses pattes avant.


Après 2 kilomètres sur une piste, nous arrivons enfin en vu de la petite Clio blanche ; la boucle est bouclée, bravo ! Ce deuxième jour nous aurons marché 17km, 50m D+ et 1750m D-. Au total sur le WE : 30km et 1800m D+/-. C’est moins que prévu, mais ça fait une trotte tout de même, surtout avec les affaires de bivouac. Une belle première rando pour le fauve, qui nous a impressionné par son endurance. Il est désormais temps de prendre la route vers Annecy, avec de belles images en tête et quelques centaines de photos et films sur la Go Pro… D’ailleurs, un petit montage est en préparation, stay tuned.

Allez, Ciao et à la prochaine !


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