Les Perrons de Vallorcine

Les Perrons de Vallorcine, c’est un classique du genre. Cela fait un moment qu’on l’a repéré avec Romain. Une traversée d’arête sur du cailloux globalement bon (même si pas toujours) et dans un cadre grandiose, entre le massif du Mont Blanc et les Lacs d’Emosson. L’arête matérialise la frontière entre la France et la Suisse. Elle se fait généralement dans le sens E → W, mais nous avons décidé de le parcourir dans le sens inverse, W → E, qui offre un plus grand intérêt de grimpe, plus technique.

La course est cotée D 5b>5a III X1 P3 E4. Cette désignation barbare se traduit par : (ceux qui connaissent peuvent passer au paragraphe suivant)

  • D = Difficile, cotation globale de la course, qui permet en un coup d’œil de connaitre la difficulté. La lecture de l’ensemble des critères est cependant nécessaire pour savoir dans quoi on s’engage.
  • 5b > 5a signifie que la cotation d’escalade maximum rencontrée sur la course est 5b, ce qui correspond à un niveau moyen, mais pas si facile que ça en condition montagne et en grosses chaussures d’alpinisme. Le 5a signifie que l’on peut baisser la difficulté d’escalade à 5a (un peu moins dur que 5b) en s’aidant des points d’assurage. C’est donc le niveau obligatoire pour prétendre faire cette course.
  • III pour l’engagement, c’est une estimation du degré de danger dans lequel se trouverait le pratiquant si un problème survenait. Les critères principaux pris en comptes : l’éloignement de la civilisation (refuge, vallée, etc.), les possibilités d’échappatoires ou de redescente, le niveau d’équipement, l’altitude. L’échelle va de I à IV ; III signifie qu’un retour en vallée par ses propres moyens en cas de problème peut être compliqué #PGHM.
  • X1 pour les risques objectifs. Les risques pris en compte sont les avalanches naturelles de neige, les chutes de séracs, les chutes naturelles de pierres et la fragilité du support. L’échelle va de X1 à X5. X1 correspond au plus faible niveau, cette course n’est pas très risquée. Bon même si un gars qui grimpait au-dessus a fait tomber un parpaing à l’endroit où on se trouvait 30s avant ; mais ce genre de risque est inerrant à la montagne.
  • P3 pour qualité de l’équipement, c’est-à-dire la quantité d’équipement que l’on rencontrera sur la course (spits, pitons, chaines, cordelettes…). De P1 à P4 ; P1 signifie qu’il n’est pas nécessaire d’ajouter des points de protection et que tous les points sont solides (ce qui correspond à une voie d’escalade sportive) ; P4 signifie qu’aucun équipement n’est en place, donc la protection devra se faire uniquement avec du matériel que l’on emmène et que l’on récupère (coinceurs, sangles, pitons…). P3 correspond à très peu d’équipement, on devra donc protéger nous-même la majorité de notre évolution.
  • Enfin E4 pour l’exposition qui renvoie aux conséquences probables d’une chute sur l’intégrité physique du grimpeur, étant donné la configuration du terrain et la possibilité de se protéger. Il existe 6 niveaux. Pour les 3 premiers (E1, E2, E3), c’est la longueur de chute potentielle qui entre en jeu. Pour les niveaux plus élevés (E4, E5, E6), la blessure est quasi certaine et c’est sa sévérité (depuis la fracture de cheville jusqu’à la mort) qui entre en jeu. E4 signifie qu’une chute là ou il ne faut pas occasionnera probablement des blessures sévères mais sans séquelles sur le long terme. Pour info, E5 correspond à des blessures invalidantes sur le long terme et E6 à une mort probable ; mais je vous rassure, je ne m’aventure pas dans ses terrains là. Bien sûr, cette cotation ne tiens pas compte des risques habituels d’une chute qui peuvent être la conséquence de mauvaises réceptions, d’assureur inattentif, de cordes passées derrière les mollets, de protection mal posée, etc … Tout ce qui rendrait la chute plus dangereuse que dans les meilleures conditions possibles au même endroit.

La lecture de tous ces critères permet d’avoir une bonne idée de ce qui nous attends. Mais revenons à nos moutons (ou plutôt nos chamois).

La météo annonçant des nuages voir des précipitations dans l’après-midi, nous misons sur un départ tôt. Levé 4h30, départ 5h d’Annecy et comme c’est Romain qui conduit, j’en profite pour taper une sieste dans la voiture. Co-pilote en or. Je me réveil au parking de départ, à 6h40, royal ! On n’est pas les seuls, on ne peut pas compter le nombre de camionnettes, de voitures couchettes et même de tentes sur le parking. Presque tous le monde dort encore cela dit. Nous partons à 7h, traversons le barrage d’Emosson et admirons les montagnes se parer de rose avec le soleil levant. Une sente nous amène au départ de la course, la Brèche des Perrons (2495m), après 1h30 de marche. Quelle vue sur le Mont Blanc depuis là ! Nous préparons le matériel, nous encordons et c’est parti en direction de la Pointe d’Ifala (2651m), le premier des cinq sommets de la traversée. Le départ est facile pour se mettre en jambe, puis on s’offre de jolis passages grimpant dans un rocher parfois douteux. Il faut faire preuve de finesse et de discernement lorsqu’on tient les prises. Le sommet d’atteint sans vraie difficulté. On découvre au fur et à mesure de la montée la suite de la course au loin ; l’arête surplombe des murs imposants de centaines de mètres de hauteur, quasi verticaux. C’est impressionnant.

Nous entamons la suite, de la désescalade sur une fine arête très vertigineuse. L’escalade c’est toujours bien plus dur en descente qu’en montée. On prend notre temps pour s’équilibrer et trouver le meilleur moyen pour passer. L’ambiance est superbe, nous sommes comme suspendus au-dessus du vide.

Nous arrivons à la Porte Vouilloz, un col herbeux. Devant nous, un mur quasi-vertical d’une centaine de mètre de hauteur mène au prochain sommet. Deux solutions s’offrent à nous :

  • Monter dré dedans via des longueurs « raide et très expo, difficile voire impossible de protéger sur 10m » (je cite le topo).
  • Contourner l’arête par la gauche via une ligne de faiblesse qui réduit la difficulté.

La première solution ne semble pas très engageante, nous signons pour la deuxième ; et nous avons bien fait, l’escalade fut un vrai plaisir ! On rejoint l’arête et on poursuit l’escalade, sans difficulté notable jusqu’à la Pointe Vouilloz (2672m). Enfin si ce n’est que je me suis trompé d’itinéraire à un moment, ce qui nous a bien fait perdre 20 minutes. Nous déscaladons la suite de l’arête et faisons un rappel pour éviter un passage raide et expo qui nous amène à une brèche.

De là, on grimpe sur 50m pour arriver au pied de la fameuse fissure, qui se remonte en entrant entièrement dedans. Et ce n’est pas large ! Je n’aurais pas tout de suite eu l’idée d’entrer dedans si le topo ne l’indiquait pas. On y accède par un pas physique, puis on entre à l’intérieur. La fissure fait environ 4m de profondeur, 8m de haut et 40cm d’épaisseur. Je ne tiens pas de face, je dois me contorsionner de côté pour arriver dans le fond, où j’arrive à me hisser en opposition fesse – pieds – mains. Il est compliqué de placer des points de protection, mais il faut bien monter ! Je débouche finalement en haut, pas mécontent d’en sortir et enchaine avec un pas un poil retord.

J’arrive finalement au relais, au bord d’une terrasse ou on peut s’assoir plein gaz, pour faire venir Romain, qui est plus fin que moi et qui passe plus facilement. Le sommet du Grand Perron, le point culminant de la course (2673m) s’atteint rapidement ensuite. Nous tenons l’horaire, on s’offre 20 minutes pour manger un brin et se poser face au magnifique panorama. La suite est plus facile, parfois vertigineuse, quelques pas un peu plus retord mais globalement on avance vite. On atteint l’Aiguille du Van Sud par une facile cheminée, puis l’Aiguille Nord du même nom par du terrain de presque rando.

Ça y est, la course est finie ! Enfin il reste le chemin de descente, mais c’est censé être plus ou moins de la rando. Le début est raide mais assez stable. Nous arrivons ensuite à un passage en dalles humides du fait de la pluie de la veille ; c’est une patinoire et il ne faut pas tomber. La suite est plus facile et on descend d’un bon pas pour retrouver le barrage – et les touristes. On n’avait pas remarqué qu’une gare de train dessert le parking (oui oui, un train à 1900m d’altitude, ils sont fous ses suisses). On fait un peu tache avec nos vêtements sales et nos affaires de grimpe parmi la centaine de badauds en tenue de ville.

Bon et comme c’est la tradition, on finit à la Micro-Brasserie de Chamonix, sur la route du retour pour conclure cette belle journée.

J’essaie de rentabiliser la Go Pro, voila la journée en vidéo.


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