Arêtes de la Bruyère et Roche Colombe

Objectif le Mont Pourri (3779m), qui malgré son nom peu flatteur offre un point de vue exceptionnel et est le second plus haut sommet de la Savoie. Son ascension par l’arête Nord est un incontournable et est relativement facile ; il s’agit néanmoins d’une course complète : approche sur glacier, couloir de neige, arête rocheuse, descente entre des crevasses parfois bien ouvertes. Un beau WE en perspective donc.

Je propose cette sortie en collective CAF, un groupe motivé de 4 personnes se constitue : Jimmy, Caroline, Maxime & Antoine. Un autre encadrant, Alex, rejoint le groupe. La météo est maussade depuis plusieurs semaines, mais le soleil pointe le bout de son nez le WE, ça devrait le faire. Oui mais… les températures ont bien baissé, je tombe en milieu de semaine sur une photo des hauteurs de Val Thorens, non loin du Pourri, complètement sous la neige a moins de 3000m d’altitude. De la neige est encore annoncé à 3000m jeudi et vendredi. La course envisagée doit se faire lorsque l’arête est sèche, c’est-à-dire sans neige, sinon la difficulté est supérieure, ainsi que le temps nécessaire pour parcourir l’itinéraire. Or des orages sont annoncés en deuxième partie de journée, il ne faut pas exploser l’horaire. On s’interroge ainsi sur un plan B avec Alex. Un appel au gardien du refuge le vendredi entérine la décision : il a plu des cordes toute la semaine au niveau du refuge et neigé au-dessus. On part donc sur le plan B !

Plan B sur une idée initiale d’Alex : autour de l’Aiguillette du Lauzet dans la vallée de Serre Chevalier. Je connais bien le coin pour l’avoir parcouru de nombreuses fois en randonnée, mais je n’y ai jamais mis les mains ! On bivouaquera à l’Alpe du Lauzet samedi soir. Départ 6h d’Annecy, arrivée 9h15 sur place (après quelques pauses…) ; la journée s’annonce très belle. Objectif du jour : la traversée des Arêtes de la Bruyère, un grand classique du coin. On monte au Grand Lac par les câbles, la pointe nord de l’arête se dresse fièrement au-dessus de nous. Nous ne serons pas seul, nous voyons déjà plusieurs cordées progresser. Nous constituons deux cordées de trois puis on rejoint le col sous les arêtes afin d’attaquer celles-ci sur le flanc NE par une fissure de cotation modeste (4c), mais très patinée par les multiples passages. On marche sur des œufs, chaque pas est très délicat pour éviter la zipette.

On rejoint le fil de l’arête que l’on suit tout du long. L’arête n’est heureusement pas patinée, le rocher est bon, l’escalade intéressante et l’ambiance superbe. L’arête n’est pas très longue mais demande de nombreuses manipulations de corde (alternance de longueurs et de corde tendue, plusieurs rappels et désescalades pour franchir des failles…). Nous arrivons finalement au pied de la dernière difficulté que l’on est censé prendre tout droit. Le topo décrit ce passage comme « la plus belle longueur », il ne faut pas manquer ça ! On cherche le passage ; ça semble très dur et bien peu passant, dans du rocher pas très bon. Mmmh. On se résigne, on ne passera pas tout droit. A gauche un raide couloir descend dans du rocher pourri, inutile d’aller voir ; a droite une petite sente est visible, nous allons voir. On finit par remonter une cheminée dans un rocher parfois douteux, parfois mauvais, qui nous permet de rejoindre le sommet. Ça n’aura pas été la plus belle longueur, mais nous voilà arrivé ! Nous avons mis 4h pour parcourir l’arête, sans faire vraiment de pause.

Nous profitons d’avoir encore le temps pour prendre une bonne collation et nous poser au sommet, confortable. Puis un chemin un poil exposé et un rappel de 20m nous ramène sur le plancher des vaches. Nous rejoignons par le GR l’Alpe du Lauzet ou nous avons caché nos affaires de bivouac dans un coin de cabane abandonné. Vu la fréquentation du lieu et pour éviter de se faire voler nos affaires, nous avons barricadé la porte avec des tiges en fer et une poutre, normalement personne n’est allé farfouiner. Nous retrouvons effectivement nos effets sans encombre ; entre temps, le vent s’est levé et comme nous avons mis seulement 30 minutes pour monter là ce matin, la question se pose de retourner en vallée pour trouver un coin plus tranquille. D’autant plus que nous somme au milieu du pré des vaches et que l’autre spot plat est envahi par des chevaux… Après quelques discussions et un sauvetage de vache plus tard, décision est prise de retourner en vallée. On aura monté 3L de bière et tout le matériel de bivouac pour rien, ça le fait voyager au moins.


On se pose à un excellent spot de bivouac, sous les mélèzes et au bord de la Guisane. Petite douche, gros apéro (tout le monde avait ramené du saucisson, du fromage etc… seulement l’essentiel en sommes !), repas, petit feu de camp et surtout repérage pour le lendemain. Plusieurs options sont possibles, notre préférée, la Voie Davin dans l’Aiguillette du Lauzet nous inquiète par rapport à l’horaire : des orages sont annoncés en milieu d’après midi et nous ne sommes pas sûr de finir à temps. Nous décidons donc de partir sur un plan B. Alex accompagné d’Antoine et Jimmy partirons pour Roche Robert par une grande voie d’escalade ; avec Maxime et Caroline nous nous orientons vers l’arête SW de Roche Colombe, un itinéraire plus montagne.


Levé 5h30, départ 7h du parking le temps de ranger les campements et prendre un petit déjeuner digne de ce nom. Nous regagnons l’Alpe du Lauzet, où nous étions la veille, nous rejoignons le chalet du berger ou les deux groupes se sépares. Nous allons tout droit en direction de notre objectif, d’abord sur une bonne sente puis à travers les pâturages. Nous marchons sur un tapis de fleurs de toutes les couleurs, c’est magnifique. On s’en veut d’écraser de si belles choses, mais il n’y a pas d’alternative. On progresse à un bon rythme, j’entends que ça souffle derrière, on s’octroie une pause. On arrive finalement au pied de l’arête par un couloir instable bien pourri. Au dessus de nous, des bouquetins nous lance des regards narquois, c’est tellement facile pour eux. Je me lance dans la première longueur, le rocher oscille entre douteux et carrément mauvais. Heureusement que c’est facile (niveau III). Je fais partir plusieurs écailles sur mes camarades (« désolé ! »), heureusement sans mal. La corde qui frotte derrière moi fait également tomber des cailloux. J’arrive sur le fil de l’arête, ou le rocher devient bien meilleur.

Je fais venir ma cordée et me lance à l’assaut de l’arête. Le rocher est bon maintenant, la grimpe est très agréable. Pas toujours facile de protéger dans certains passages ou le rocher est compact, mais l’escalade n’est jamais très dure. Ça se redresse, une longueur en IV donne du fil à retorde à Maxime, qui a commencé la grimpe il y a seulement quelques mois et se hisse majoritairement à la force de ses bras. « Maxime utilise tes pieds ! ». On arrive finalement sur une bonne vire, on escalade un gendarme optionnel, en contourne deux qui semblent trop durs pour nous puis arrive devant le ressaut final que l’on remonte par une esthétique rampe. De retour sur le fil, plusieurs pas de grimpe plus impressionnant que dur pour déboucher à un petit rappel qui signe la fin des difficultés. Nous finissons les 50m qui nous séparent du sommet dans du terrain à Chamois.

Nous avons mis 3h, 30 minutes de moins que dans le topo, c’est bien. Une fois n’est pas coutume, nous profitons du sommet, si des cumulus commencent à se former, ils sont encore loin d’être menaçant, nous avons le temps. Du sommet j’aperçois Monêtier, je sais qu’Irvin – mon frère – y est, je l’appel et il me fait coucou de la terrasse. Bon même avec de bonnes lunettes je n’ai pas vu grand-chose mais le cœur y est.

On attaque la descente après une bonne pause. D’abord dans du terrain à chamois par trop dur, puis on arrive devant le couloir W que l’on est censé descendre. Le couloir est raide, dans du rocher complètement pourri et un petit névé barre l’entrée. De plus, un ressaut barre le passage 50m plus bas. No way ! On décide de partir vers le nord et de faire un grand détour par un passage facile, cairné qui plus est. Peut être plus long, mais bien moins dangereux ! La sente descend doucement et nous mène finalement au Grand lac que nous descendons par les câbles. Les nuages sont de plus en plus nombreux, mais toujours pas menaçants. Nous arrivons finalement en bas après 2h30 de marche, 1h après les autres. Pas certain qu’on ait mis beaucoup moins de temps par le couloir… Et on aurait bien serré les fesses !

Nous retrouvons l’autre cordée au Pont de l’Alpe où nous profitons d’une bière fraiche. Nous nous racontons notre journée, tout le monde en est content même si le topo n’était pas très fiable pour la première partie de l’ascension de la cordée d’Alex. La dalle en bon rocher équipée du topo est devenue une dalle surmontée de piles d’assiettes instables sans équipement et sans tellement moyen de protéger dans les fais. C’est ça la montagne !

Irvin et Andréa qui sont sur la route du retour nous rejoignent au bar (attiré par le frère ou la bière, je ne sais pas). Puis retour Annecy, sans encombre. Nous n’avons pas fait notre objectif initial, mais aucun regret, un très bon WE en bonne compagnie 😊


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