L’intégral des Arêtes de l’Arcalod

Après deux jours Dolois en belle famille, retour à Annecy pour le WE ; avec Clément nous nous sommes donné rendez-vous « pour faire de la montagne ». La météo étant maussade (comme à son habitude ces derniers mois), nous nous tournons vers un objectif moyennement ambitieux, mais assurant une belle bambée : l’Arête S de l’Arcalod, le point culminant des Bauges (2217m). Très peu d’information sont disponibles en ligne, si ce n’est qu’il faut suivre l’arête de son attaque jusqu’au sommet, avec un seul passage un peu plus difficile en 5a et que le rocher serait bon. Cela ajoute du piquant à l’aventure, il nous faudra improviser sur place et trouver notre chemin. Enfin, pour sublimer cette journée, nous n’utiliseront que la force de nos muscles pour arriver au sommet, dans un triathlon que je connais désormais bien : vélo – rando – alpi. Comme quoi, on peut faire de belles choses sans émettre de gaz à effet de serre.

Départ tardif à 8h15 d’Annecy, avec le retour de Dole la veille j’avais besoin de dormir un peu. Il fait doux, mais nous n’avons pas froid pour autant. Les vélos sont chargés de notre matériel de grimpe, nous avons pris uniquement l’essentiel, le poids reste contenu ; mais cela se fait quand même sentir, surtout lors de la montée finale, sur une petite route sinueuse de montagne ou la pente dépasse les 10%. Nous avançons à rythme tranquille pour éviter de trop nous fatiguer avant même d’arriver sur place. On laisse les vélos à 900m d’altitude, au bout de la route goudronnée, après 1h40 de pédalage. On change de tenue, le cuissard et les chaussures automatiques de vélo laissent place aux chaussures et vêtements d’alpinisme. On cache nos affaires dans une grange abandonnée, et nous attaquons la montée. D’abord en faux plat sur chemin, puis sur un sentier forestier et enfin de nouveau sur un chemin carrossable pour atteindre le Chalet de l’Aulp, depuis lequel nous apercevons finalement notre objectif.

Comme prévu, bien que la face E soit encore parsemée de neige, l’arête semble bien sèche, nous ne devrions pas avoir de problème à ce niveau. On continu notre chemin, passons le Col d’Orgeval, traversons un chaos de lapiaz, des névés de neige très molle et arrivons finalement en contrebas du collet du départ de l’arête, que l’on atteint en gravissant du terrain à chamois. Il nous aura tout de même fallut 3h15 pour atteindre l’attaque, nous ne sommes pas en avance ! La météo annonce des risques d’averse en deuxième partie d’après-midi, j’aurais aimé être sorti des difficultés avant 15h mais ce ne sera pas possible. Bon, à priori il n’y a pas de risque d’orage et on n’est pas en sucre, on va pas s’en faire pour si peu. C’est juste que j’aimerais passer la dalle en 5a avant qu’elle soit mouillée.

L’ambiance sur l’arête que l’on s’apprête à cheminer est mystique avec la brume qui remonte de la raide face W. On mange un bout de sandwich tout en s’équipant. Clément m’apprend que c’est sa première course d’alpi, j’ai fait tellement de sorties trail et ski avec lui que j’en avait oublié qu’il est encore novice en la matière. Bon, je ne suis pas inquiet pour autant, il n’y a pas de grosses difficultés sur l’itinéraire, il a le pied montagnard et un bon mental.

Il est temps d’y aller, je prends pied sur l’arête, Clément me suis du bout des 20m de corde qui nous sépare. On est rapidement bloqué par un raide gendarme, si son ascension semble envisageable, la qualité du rocher n’inspire vraiment pas confiance. Après quelques hésitations, je m’engage sur une vire versant W, puis rejoint le fil de l’arête par de l’escalade facile mais sur du mauvais caillou. Il s’agit d’être délicat et de bien vérifier ses prises. Mais immédiatement, rebelotte, un autre gendarme branlant nous barre le passage, on le contourne de nouveau par une vire versant W. De retour sur l’arête, je dois passer par un empilement de gros rochers instable. Je ne suis pas très confiant et effectivement, j’ai à peine le temps de poser mon pied sur cet empilement pour le tester que celui-ci s’effondre et dévale la face W, dans un vacarme assourdissant, laissant dans l’air une odeur caractéristique de roche brulée. Je n’ai pas ménagé les nerfs de Clément qui, n’ayant pas de contact visuel avec moi, s’est inquiété. Eh bien ça s’annonce bien, nous avons déjà mis 30 minutes pour a peine avancer et le rocher est franchement mauvais, ce qui ne correspond pas aux informations que nous avions. Espérons que la suite sera meilleure ; dans le pire des cas j’ai repéré plusieurs échappatoires en versant E lors de la marche d’approche.

Finalement la suite est moins scabreuse, nous alternons les passages en arête effilée et en crête herbeuse plus large. Le terrain n’est jamais très stable, nous grimpons avec prudence, mais avançons efficacement. L’ambiance est magique, la brume enveloppe régulièrement l’arête devant nous, les nuages jouent avec les reliefs. Nous arrivons au pied du bastion final sans rencontrer de réelles difficultés. La suite demande un peu de réflexion d’itinéraire, mais avec l’habitude on peut deviner les traces laissées par nos prédécesseurs. On s’engage ainsi dans une cheminée un peu plus grimpante ou j’ai la surprise de trouver 2 spits tout neufs ; la pose de protection étant délicate dans ce calcaire, je ne me prive pas de les clipper. Je fais un relais puis fait venir Clément. Ça devient plus intéressant, le rocher est meilleur et la grimpe plaisante, pas difficile, mais demandant tout de même un peu de réflexion. Après plusieurs passages plus ou moins grimpants, nous arrivons au pied de la dalle en 5a, qui finalement se passe très facilement par la droite, dans une difficulté plus proche du 3 que du 5. On trouve encore un dernier passage grimpant, une cheminée avec un pas un peu physique a son départ puis un dièdre à l’ancienne ou Clément s’offrira même une chute. J’ai bien fait de faire un bon relais pour l’assurer ! On atteint ensuite facilement le sommet après 3h40 d’effort, heureux de notre ascension mais avec un bon début de fatigue. Si la grimpe n’a jamais été très exigeante, la longueur de l’arête et la grande concentration nécessaire liée à la mauvaise qualité du rocher nous a demandé de l’énergie. Décidément, les infos que nous avions étaient globalement erronée, si ce n’est la difficulté globale de la course, AD (Assez Difficile) qui correspond bien à ce que nous avons parcouru. 

On se laisse quelques instants et discutons de la stratégie de descente : soit la voie normale en face E qui est une rando engagée, soit l’arête N, une course d’alpinisme facile, un peu plus long, mais plus esthétique. Nous avons encore suffisamment d’énergie, nous partons pour l’arête N ; quelle belle façon de fouler ce sommet qu’en parcourant l’intégralité de ses arêtes. Je connais bien cette arête N, je l’ai déjà traversé en hiver avec Romain et en été en solo. Nous avançons bon train ; le début est encore assez vertigineux, mais rapidement l’arête s’élargie et nous suivons une sente. Après quelques passages de désescalade et des traversées de vires plus ou moins scabreuse, nous rejoignons finalement le col de Curtillet, signant la fin des difficultés pour aujourd’hui ! Après 5h reliés par cette ligne de vie qu’est notre corde, nous reprenons notre indépendance avec Clément. Le retour aux vélos est long, il nous faut encore plus d’1h30 de marche à bon pas pour les rejoindre. On en a plein les pattes et on a hâte de quitter nos chaussures d’alpinisme. Clément me raconte des histoires nulles pour passer le temps. Il se fait tard, nous visions initialement un retour 18h à Annecy, ce sera finalement plutôt 21h. Et finalement plutôt 22h, de nuit. Bien entendu je n’ai pas pris ma frontale, ce qui confirme encore une fois la règle qui veut que, quand on prend la frontale, on n’en a pas besoin et quand on ne la prend pas, en en aurait eu besoin.

On retrouve les vélos là où on les avait laissés, troque de nouveaux nos vêtements puis on attaque la raide descente, les mains sur les freins sur la route en mauvaise état et jonchée d’épine de pins glissantes. Puis c’est le final vers Annecy, 25km de presque plat. On enquille, pressés d’arriver. Clément m’éclaire la route quand la luminosité n’est plus suffisante. Vivement la bière ! On arrive finalement peu avant 22h et on retrouve des copains à l’appart pour une bière salutaire et un bon repas gentiment préparé pour nous. Clément ne fera pas long feu et rentrera rapidement s’offrir un repos bien mérité ; j’ai réussi à le fatiguer ! Il faut dire que nous avons tout de même parcouru 83km (62 en vélo, 21 à pied) et 2200m D+ (550 en vélo, 1650 à pied), sur des terrains variés, pour un total de presque 14h d’effort. Et tout cela sans se prendre la moindre goutte de pluie !

Une belle journée en montagne en somme.


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