Alpivouac #1 – Le Râteau

La Meije. Ce nom a une résonnance particulière dans l’oreille d’un montagnard. Pourtant à l’époque, comme bon nombre de noms donnés aux sommets, il ne fait pas preuve d’originalité ; il est la francisation de Meija qui signifie « milieu » en occitan, soit la montagne au-dessus duquel le soleil passe en milieu de journée. Mais aujourd’hui, il est aussi et surtout synonyme de majestuosité et de consécration. Perché à 3 983m d’altitude, le Grand Pic de la Meije domine de 2500m le célèbre village de La Grave, duquel s’admire les raides glaciers et séracs suspendu en altitude, que surplombe l’austère face nord. Au sud, une imposante et raide face rocheuse de 800m domine le glacier des Etançons et le Refuge du Promontoire, lui-même perché au pied de l’arête S. Si le point culminant fleurte avec les 4000m, il n’est pas le seul. Tout du long de l’arête de plus de 1.2km qui compose la Meije, s’enchaine Le Grand Doigt (3764m), le Pic du Glacier Carré (3862m), le Grand Pic (3983), la Dent Zsigmondy (3945m), le Doigt de Dieu (3973m) et la Meije Orientale (3891m) pour ne citer que les plus importants. Une chose est certaine, la silhouette remarquable de la Meije ne laisse pas indifférent.

A 17 mètres près, le Grand Pic n’a pas l’honneur de faire partie du cercle très prisé des 82 « 4000 » des Alpes, ce qui lui permet de rester plus confidentiel pour le plus grand nombre que la Barre des Ecrins voisine (4102m) par exemple. Le nombre plus restreint de prétendant au sommet s’explique aussi par la complexité de la voie normale ; aucun itinéraire n’est évident et il faut une expérience certaine en alpinisme, ou tout du moins une très bonne condition physique et un bon guide pour arriver en haut. C’est d’ailleurs le « dernier problème des Alpes », soit le dernier sommet majeur à avoir été gravi, en 1877 après 17 tentatives menées sur 7 ans. Aujourd’hui, on compte des dizaines d’itinéraires différents, globalement difficiles à très difficiles, sur toutes les faces, sur lesquels viennent se défier les alpinistes du monde entier.

La Meije c’est également le théâtre de plusieurs éboulement majeurs au cours du derniers siècles, dont certains ont profondément changés l’aspect de la montagne, comme en 1964 avec l’effondrement de la Brèche Zsigmondy (perte de 20m d’altitude), rendant impossible sinon extrêmement difficile l’ascension de la Dent du même nom par la brèche et obligeant les Alpinistes à trouver un nouvel itinéraire pour la traversée des arêtes ; ou plus récemment, en 2018 ou un effondrement dans les contreforts du Pic du Glacier Carré a précipité plusieurs milliers de mètres cubes de rochers sur plusieurs itinéraires en contrebas, dont la voie normale où évoluait une cordée d’un guide et son client qui ont miraculeusement survécus à l’avalanche de pierre au prix de multiples blessures. Toutes les ascensions par cet itinéraire avaient été alors suspendu jusqu’à nouvel ordre, car des blocs de diverses tailles (jusqu’à plusieurs mètres de diamètre) pleuvaient plusieurs fois par heures. Aujourd’hui la zone commence à être stabilisée, mais il est conseillé de ne pas trainer.

| Ci-contre, éboulement de 2018 sur le Glacier Carré

La Meije n’est donc pas un sommet anecdotique et son ascension se mérite. On en vient au projet, que j’ai en tête depuis quelques temps déjà : enchainer l’ascension du Râteau, de la Meije, du Pavé et du Pic Gaspard sur 3 jours. 3 jours qui se déroulent entre 3300m et 4000m, sur une ligne d’arête continue d’ouest en est. Soyons clair dès le début, l’idée ne vient pas de moi, l’itinéraire se trouve en ligne sur les sites spécialisés et est parcouru chaque année par plusieurs cordées. Deux possibilités pour les nuits : en refuge : Refuge du Promontoire (3082m) la première nuit et de l’Aigle (3450m) pour la seconde ; ou en bivouac.

Je partage ce projet à Pilou qui est tout de suite emballé, même s’il émet quelques réserves sur « le rocher pourri » du Pavé et du Pic Gaspard dont nos prédécesseurs font part dans leurs comptes rendus. Mais bon, c’est aussi ça la montagne, on ne peut pas toujours grimper dans du rocher d’exception. Les 27, 28 et 29 août, si la météo le permet, nous partirons ainsi tous les deux à l’assaut de ces montagnes.

Nous écartons rapidement l’option refuge afin de rendre cet itinéraire encore plus beau et d’être en total autonomie durant les 3 jours. Nous établissons le programme : Vendredi matin, départ depuis La Grave avec la première benne de 8h30 pour monter sans effort à 3200m. Bon là vous allez me dire qu’on veut se la jouer puriste sans refuge mais qu’on commence en téléphérique… Oui, on assume car sinon il faudrait poser une journée de congé en plus pour monter les 1800m depuis la Grave à pieds ; si cela n’est pas tellement un problème pour Pilou qui ne manque pas de temps libre, c’est plus compliqué pour moi.

Pour ceux qui s’intéresse au système de cotation, voir cet article sur Camp to Camp


Vendredi, 5h15, le réveil sonne. J’ai dormi à peine 3h30, c’est souvent comme ça avant une importante sortie, l’excitation et les appréhensions du lendemain empêchent de bien dormir… Et il faut aussi dire que Cyprien et Emma sont arrivés de Paris jeudi soir tard pour le WE (je leur laisse l’appart) ; je ne pouvais pas ne pas les accueillir autour d’un petit apéro ! Je prends le temps d’avaler quelques céréales et part chercher Pilou qui – comme à son habitude – n’est pas au point de rendez-vous à l’heure convenu. On rattrapera notre retard dans les lacets ! Il n’a pas beaucoup dormi non plus, lui aussi recevait du monde. Nous partons finalement à 6h ; 2h plus tard nous arrivons au parking du téléphérique de La Grave.

On se change et on s’équipe ; on enfile directement les baudriers et toute la quincaillerie, de toutes façons tout cela ne tient pas dans nos sacs déjà bien chargé. J’ai pourtant pris le gros sac de 50L, mais avec le duvet -9°, le matelas gonflable, les vêtements, l’eau, la nourriture et les divers accessoires nécessaires à la sécurité et au bivouac, il est totalement plein ! Il doit bien peser 12kg, auquel il faut ajouter 2.5kg pour le deuxième brin de corde que nous devons emmener pour les rappels (nous utiliserons un brin de 50m pour l’évolution générale, et un deuxième de 50m pour rappeler la corde). En échange, Pilou porte le réchaud et le gaz. Nous partons avec 2 cartouches de 400gr car nous devrons faire fondre de la neige pour boire.

Si nous sommes presque les premiers à arriver au parking, nous nous faisons rapidement rejoindre par d’autres alpinistes, quelques touristes en sandale et un régiment de militaires de montagne. 8h30, le téléphérique ouvre ; avec tout ce beau monde devant nous, nous devrons attendre la 3ème benne, qui ne tarde pas trop. L’appareil est de construction assez ancienne, il se compose de plusieurs grappes de 5 cabines, fixée sur un câble dont elles ne peuvent débrailler. Ainsi à chaque fois qu’une grappe arrive en gare amont et aval, le câble ralenti pour permettre aux occupants de monter et descendre. Il nous faudra ainsi 45 minutes pour rejoindre la gare d’arrivée, en bordure de glacier. Mais on ne va pas se plaindre, nous avons eu tout le temps pour admirer le paysage, grandiose, ainsi que notre itinéraire du jour et du lendemain. On en a également profité pour fermer les yeux quelques minutes et rattraper comme possible le peu de sommeil de la veille.

Il est déjà bientôt 9h30, nous ne tardons pas et descendons directement rejoindre le glacier. Nous chaussons les crampons, sortons la corde et nous prenons pied sur le glacier de la Girose, que nous remontons sans encombre pendant à peine plus d’1h jusqu’au pied de l’arête W. Pour l’instant, pas de difficulté notable. Nous troquons les broches à glaces pour les coinceurs sur le baudrier, on quitte les crampons et on attaque l’arête rocheuse par de l’escalade facile. Deux cordées nous devancent. La première, menée par un guide, fait rapidement demi-tour. Le client n’avait vraiment pas l’air serein, pourtant le terrain n’est pas encore très impressionnant… Ça fait cher la journée pour renoncer à la première difficulté ! Nous évoluons rapidement, on double l’autre cordée par un crochet dans un couloir en face nord, Pilou part en tête dans la seule petite difficulté de cette première partie, un mur de 2x20m en 3 puis nous arrivons au sommet du Rateau W, à 3769m. Les effets de l’altitude se font bien sentir d’ailleurs, nous ne sommes pas aussi rapides qu’a l’accoutumé et notre rythme cardiaque explose rapidement. A moins que ce soit le manque de sommeil… Ou surement le cumul des deux ! Aucune acclimatation, manque flagrant de sommeil… Autant dire qu’on n’a pas mis toutes les chances de notre côté.

Cela dit, nous avançons plutôt rapidement, nous avons mis à peine plus de 2h pour rejoindre le sommet depuis le téléphérique, nous sommes dans la fourchette basse de l’estimation horaire, c’est rassurant pour la suite. On ne badine pas pour autant, nous devons maintenant rejoindre le sommet du Râteau E par une longue traversée d’arête. Les difficultés commencent ; l’arête est assez fine et composée de plusieurs gendarmes successifs qu’il faut escalader puis redescendre, soit en désescalade, soit en rappel. L’escalade devient plus technique et nous sommes gênés par nos gros sacs qui nous entrainent en arrière et nous empêchent de voir correctement au-dessus car le haut vient taper contre le casque ce qui le rabat sur nos yeux. J’essaie de trouver des positions plus confortables, de serrer les bretelles de la bonne manière, mais rien n’y fait, je deviens souvent aveugle aux pires endroits. Pilou s’en sort mieux, il a certainement mieux organisé son sac que moi, il faudra que je fasse mieux demain ; nous n’avons ni le temps, ni l’endroit adéquat afin que je puisse changer cela immédiatement. Nous avançons cependant d’un bon rythme. Le topo n’est pas toujours très explicite et il nous faut faire preuve de perspicacité pour trouver le bon chemin.

On arrive devant une imposante dent ; Pilou part à son assaut, je l’entends grogner, ce n’est pas bon signe – il a un niveau d’escalade bien meilleur au mien, s’il rencontre des difficultés, je dois me préparer à transpirer. Il arrive finalement au sommet du gendarme, me confectionne un solide relais et me fait venir. La première partie est légèrement déversante mais offre de bonnes prises, il s’agit de translater sur la droite pour trouver l’entrée d’une cheminée. Si la première partie était plus impressionnante que difficile, c’est l’inverse pour cette cheminée, qui offre des prises moyennes dans un rocher de qualité douteux. Je test chaque prise méticuleusement, de bonnes écailles que l’on a envie de prendre à pleine main bougent très facilement, d’autres attendent que j’aie mis tout mon poids dessus avant de branler – grosses doses d’adrénaline garantie ! J’essaie de grimper le plus délicatement possible – ce qui, avec mon physique, n’est pas la chose dans lequel j’excelle le plus – et j’arrive finalement au sommet, sans faire tomber un caillou, où je retrouve un Pilou tout sourire. Il en a profité pour attaquer les croques monsieur du midi – enfin il s’agit plutôt de pain-knacki : pain de mie, crème, knacki, fromage – que j’ai préparé la veille. Je me pose à ses côtés, souffle un coup et lui dis que j’étais bien content d’être en second, sécurisé d’en haut par la corde ; il m’avoue avoir eu également quelques sueurs froides.

Il est presque 14h, le soleil cogne, il fait bon et on se rempli la panse, je me mets à somnoler en profitant de la vue. Et quelle vue ! Perché au-dessus de notre gendarme, nous avons un panorama exceptionnel à 360° : à notre droite, le Râteau W, le Glacier de la Girose et même la gare d’arrivée du funiculaire des 2 Alpes au loin. En face, juste à nos pieds, le glacier de la Selle, puis tout le massif des Ecrins, dont nous reconnaissons de nombreux sommets que nous avons gravi cette année et les précédentes. A notre gauche, le Râteau E, qui semble encore loin et derrière, la Meije qui se dresse fièrement, imposante. Et derrière nous, les interminables pâturages au-dessus de La Grave. On en profite, mais on sait que la route est encore longue ; nous ne tardons pas à remballer nos affaires.

Côté Sud, les Ecrins

Au moment de repartir, nous hésitons sur la stratégie. Le topo parle d’un rappel de 25m, mais la suite de l’arête n’en nécessite pas. Faire un rappel nous descendrait dans les vires versant S, dans du rocher pourri. Nous avançons un peu sur l’arête en repérage et apercevons la dent éboulée en 2013 pas très loin devant nous. Auparavant, la course suivait l’arête tout du long, mais depuis cet effondrement il est nécessaire de faire un crochet en face S pour éviter la raide paroi lisse et déversante créée par cet éboulement. Peut être qu’il est plus simple de descendre tout de suite en versant sud après tout, il est vrai que la suite de l’arête parait assez effilée. Nous retournons ainsi au rappel que l’on avait repéré au sommet du gendarme et descendons plein S. On ne le savait pas encore, mais ce fut une mauvaise décision. La face Sud est un énorme champ de blocs instables qui ne demandent qu’a faire le grand saut. Nous évoluons à flanc de montagne et la pente est raide, 50 à 60° en moyenne je dirais. Nous cherchons un itinéraire au mieux à travers cet environnement hostile, ce qui nous demande de monter, descendre, puis remonter, puis… vous avez compris le principe. Rejoindre la ligne de crête serait maintenant trop compliqué, nous n’avons pas d’autre choix que d’avancer. Il est assez complexe de protéger mais nous essayons tout de même de conserver un point entre nous tout du long. Heureusement, l’escalade n’est pas technique en elle-même. Nous passons sur des feuillets qui glissent sous nos pieds, des couloirs de sable inconsistant, des pierriers instables, nous évitons des névés gelés, et nous arrivons sous la Dent éboulée ; la zone parait encore moins stable, on va éviter de s’attarder trop. En jetant un coup d’œil en haut, il semble que l’arête aurait été bien plus praticable. Mais maintenant qu’on est là au moins, sous cette dent devenue inaccessible, on sait qu’on n’a pas d’autre choix. La suite est similaire à ce que nous avons déjà eu, bien que ça s’améliore un peu sur la fin. Nous rejoignons avec soulagement le fil de l’arête au niveau d’une imposante brèche, comme indiqué dans le topo. Il nous aura fallu plus de 1h30 pour parcourir seulement 250m de distance et sans trainer !

Nous traversons une vire facile qui nous mène au pied d’un mur exposé nord, parsemé de neige gelée et glissante. Mais cela est accessoire, nous sommes contents de retrouver du rocher qui, sans être excellent, ne donne pas l’impression que l’on va écrouler la montagne à chaque pas. On rejoint une arête secondaire, qui nous amène sous le sommet par un petit pas surplombant. On atteint ensuite facilement le sommet du Râteau E (3809m).

Ci contre notre traversée d’arête |

Nous nous offrons une pause bien méritée au sommet, nous évoluons depuis 7h30 déjà ! Cependant il est déjà 17h et nous devons arriver à notre bivouac avant que le soleil se couche pour trouver un emplacement où dormir. On commence à bien être fatigué, mais on se concentre et on ne relâche pas l’attention, si nous avons passé les grosses difficultés de la journée, la descente ne va pas être de tout repos non plus. On continue sur l’arête, qui nous mène rapidement à une selle neigeuse que l’on traverse sans problème pour prendre pied sur l’antécime Est du Râteau, duquel part une arête rocheuse que l’on descend jusqu’à pouvoir prendre pied sur le Glacier de la Meije. On ne s’y attendait pas, mais l’arête est vertigineuse, ça tombe à pic en versant Sud, droit sur le Glacier des Etançons. Pendant cette 1h15 de descente, pas de difficulté particulière, mais la chute étant interdite, on reste concentré à 100% afin d’évoluer rapidement en sécurité. Un rappel de 35m est nécessaire pour passer la rimaye qui barre l’accès au glacier. A cette époque cette dernière est bien ouverte, c’est un mur de glace surplombant un gouffre partiellement bouché par la neige que l’on descend.

Il est bien 18h30 lorsqu’on arrive sur le glacier. Nous avions craint que celui-ci soit en mauvaise condition après une journée passée au soleil, mais la température fraiche de cette fin de mois d’aout couplée aux rayons déclinants de la fin de journée contribuent au gel de la neige. Nous ne nous enfonçons presque pas et heureusement car nous empruntons plusieurs ponts de neige par-dessus d’imposantes crevasses. Nous progressons rapidement et arrivons en vue de notre lieu de bivouac : la Brèche de la Meije (3357m). Avec le recul glaciaire, nous devons remonter une centaine de mètres environ. Après une journée pareil, chaque mètre compte, nous montons péniblement. Le glacier s’arrête 50m sous la brèche et fait place à une rimaye surplombante surmonté d’un pierrier instable ; autant dire qu’on ne peut pas passer par là. Avant de contourner ce front glaciaire par un crochet en rive droite du glacier dans des rochers pourris, nous tentons de faire le plein d’eau à l’aide des stalactites pendues à la rimaye qui canalises l’eau issue de la fonte de neige. Nous nous rendons rapidement compte qu’il nous faudra attendre longtemps, très longtemps, le bras tendu en l’air pour espérer remplir nos récipients. On change de technique et on casse les stalactites que l’on embarque dans nos camelbak pour les faire fondre au campement.

Après un peu de recherche d’itinéraire, on prend finalement pied sur la brèche ! Il est 19h30, cela fait 10h que nous sommes partis, nous n’irons pas plus loin aujourd’hui. On peut enfin laisser tomber nos sacs pour de bon ! Bon, on ne va pas se mentir, on n’est pas arrivé dans un camping 4 étoiles. Le col n’est pas large, escarpé de chaque côté et la neige à faire fondre n’est pas facilement accessible. Mais le soleil l’illumine de ces rayons orangés de fin de journée et nous sommes juste au pied de la Meije qui est également teinté de jaune, ce spectacle n’a pas de prix.

On repère rapidement un endroit plat offrant une place pour dormir, juste au bord du col ; il ne faudra pas trop bouger la nuit… On trouve aussi un autre emplacement, constitué de blocs plat mis bout à bout entre deux rochers. Il ne faudra pas être trop claustro ! Pas tip top, d’autant plus qu’on est exposé au vent, venant du nord et incessant depuis ce matin. La météo annonce entre 30km/h et 40km/h cette nuit, on va chercher mieux ! Je descends en exploration en face sud et tombe sur un endroit parfait ! Une plate forme de 1.5m sur 2m juste sous un gros rocher qui nous cache parfaitement du vent. Il semble y avoir un vestige de muret, effondré, du côté du précipice. J’averti Pilou de ma trouvaille et me met directement à l’œuvre pour rebâtir cet indispensable petit mur qui nous évitera une chute de 150m pendant la nuit. On s’installe rapidement et on repart tout de suite de l’autre côté du col, au nord, pour trouver de la neige. Nous avons de la chance, il y a des petites plaques parsemées ci et là que l’on peut collecter. Nous passons bien 20 minutes dans les éboulis à collecter cette denrée qui semble si facile d’accès au quotidien mais qui manque cruellement en altitude. A 20h20, pile poil à l’heure, on assiste au coucher du soleil. La température chute rapidement avec la lumière et nous retournons au campement pour faire fondre l’eau et prendre notre repas. Celui-ci est composé d’un saucisson (pas le plus léger à porter, mais qu’est-ce qu’on l’apprécie !), une soupe et un plat lyophilisé, que l’on arrose avec de l’eau, beaucoup d’eau. Nous devons nous hydrater après pareil journée en altitude, mais le réchaud ne suffit pas à fournir cet or bleu en assez grande quantité. La nuit tombe, nous sommes rassasiés mais il faut encore faire fondre la neige pour la consommation du lendemain. Nous avons encore soif une fois toute la neige fondue mais nous n’allons pas y passer la nuit. Nous avons déjà fait bien 5L pour la consommation immédiate, 2L chacun pour le lendemain et 1L pour le petit déjeuner.

Si près pourtant si loin ; 250m en contrebas nous pouvons voir les lueurs des lumières du refuge du Promontoire. Eux aussi doivent nous voir, je me demande ce qu’ils pensent de nous. Je m’étais dit qu’en cas d’imprévus nous aurions pu rejoindre le refuge pour nous y mettre à l’abris, mais maintenant que je vois le gouffre qui nous en sépare, je suis content de ne pas avoir à faire le chemin. Nous transformant le campement en mode dodo : couverture de survie sur le sol pour la chaleur, on étale les deux cordes pour lisser le relief, puis les matelas gonflables et nos gros duvets. « Pilou retire tes chaussures pour entrer dans la chambre ! » Ce mal élevé commençait à mettre ses grosses sur la couverture de survie… Je fais de même, monte sur mon matelas et… PSSSSCCHHHHHHH !!

  • « Oh merde…
  • Quoi ?
  • Je crois que je viens d’exploser mon matelas.
  • Mais non ?? Celui que tu as acheté hier à Décathlon ? ** Pilou mort de rire **
  • Ba si, du coup je te pique ta corde »

Je ne perds pas de temps à m’apitoyer sur mon sort, installe les deux cordes en un matelas sommaire, les recouvres de mon matelas percé pour faire un semblant de moelleux, me met en caleçon, me glisse dans le duvet (Brrrr) et me prépare à ne pas passer la meilleure nuit de ma vie. Oh, finalement ce n’est pas pire. Ah… Si ça commence à faire mal là. Aller, bref, il faut penser à autre chose. Pilou se glisse sur son confortable et résistant matelas à mes côtés et on éteint la frontale. Moi qui lui vantais le gain de poids et de place que je faisais par rapport à son matelas ce matin même… Il est 22h30 et on va enfin pouvoir dormir ; mais pas avant avoir admirer le plafond étoilé qui nous fait désormais face. Nous contemplons les bras de la Voie Lacté. A 3350m et dans ce coin isolé, nous ne sommes pas dérangés par la pollution visuelle. Un sentiment de bien-être unique m’envahie ; nous sommes isolés du monde, dans un endroit hostile à l’homme, bordé de part et d’autre par de raides pentes, des glaciers, mais pour autant nous sommes plutôt « confort », au chaud et le spectacle des étoiles éclairant les immenses montagne alentours est unique. C’est ce genre de moment qui ne s’achète pas mais qui se mérite ; tout une journée de labeur pour en arriver à cet instant. J’évite de penser à la petite nuit et la grosse journée qui nous attend demain ; je préfère retracer dans ma tête cette journée d’exception et fini par m’endormir.

La suite de l’aventure…


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